Battle de dĂ©gaines quand on arrive au Silencio. Jacques, ce nouveau trublion dont on n’a certainement pas fini d’entendre parler, sa coupe de cheveux (presque) au bol et sa flopĂ©e d’objets-instruments sur scĂšne, et les gars de Salut C’est Cool dans la salle, attendant leur tour pour les balances. Mais nous si on a quittĂ© notre Ăźlot du XIXĂšme arrondissement, c’est bien pour aller rencontrer Jacques, la derniĂšre trouvaille de Pain Surprises. 

Les objets-instruments de Jacques

Parce qu’on a reçu son premier EP d’une part, et qu’il nous a mis une grosse claque : une techno dite « transversale » qui ose pourtant se lover dans des sonoritĂ©s plus lointaines, perchĂ©e quelque part entre les ambiances tropicales d’un Bonobo et l’inventivitĂ© crĂ©ative d’un groupe comme GablĂ©. Et puis on a reçu le communiquĂ© de presse : « Jacques c’est Jacques. Mais Jacque + Jacque = Jacques. Mais c’est le mĂȘme. Perdu entre mĂ©ditation rĂ©flĂ©chie et spontanĂ©itĂ© prĂ©mĂ©ditĂ©e, Jacques compose de la musique Ă©lectronique et voudrait Ă©crire des musiques pour que les normaux et les bizarres dansent ensemble« . VoilĂ  le topo. 

Fin des balances, il nous entraĂźne dans un petit salon obscur du Silencio, et on ne vous cache pas qu’on a un peu peur. Mais non en fait, on est rassurĂ© : ce mec mange une pomme. Il est donc absolument normal. Rencontre mĂ©taphysique dans le noir avec Jacques, ce nouveau trublion dont on n’a certainement pas fini d’entendre parler, et pour qui tout est magnifique. 

C’est ton premier projet ? 

Jacques : Je vais manger ma pomme aprĂšs en fait. J’ai eu plein de projets mais hier c’Ă©tait la premiĂšre fois que je sortais quelque chose. Avant je faisais ça sous des noms foireux sur Soundcloud. Mais j’ai toujours fait du son, mon pĂšre est aussi musicien. J’Ă©tais venu Ă  Paris pour vivre de ma musique, j’ai eu des groupes foireux, j’ai Ă©tĂ© DJ. Je me suis cherchĂ©. Les sons que je fais aujourd’hui sont ceux que je faisais juste pour me marrer, en mode « trifouillage ». Il y a eu un renversement magnĂ©tique, ce que je pensais ĂȘtre « pour m’amuser » est devenu quelque chose de sĂ©rieux. Plus je creuse dans ce truc de techno transversale, plus c’est Ă©vident : j’ai envie d’entendre des sons de la vie de tous les jours. Et les sons synthĂ©tiques accentuent ces sons naturels, ça leur donne une couleur. Cela veut dire que le synthĂ©tique doit ĂȘtre au service du naturel, et c’est pareil pour tout : ton smartphone doit te servir pour te rapprocher des gens, mais tu ne dois pas rester bloquĂ© dessus toute la journĂ©e. On peut le dĂ©cliner pour tout. 

Jacque + Jacque = Jacques. On est nul en maths, on va éviter de se casser les dents sur cette équation et te demander de nous la résoudre.

Jacques : C’est une façon de dire que je suis plusieurs. On a tous plusieurs avis sur la mĂȘme chose. Je peux me retrouver avec un mec de gauche et lui dire des trucs de droite et vice-versa. C’est une façon de die qu’on est plusieurs, et qu’on n’a pas forcĂ©ment besoin de trouver une seule personnalitĂ©, de s’enfermer. J’ai fait une vidĂ©o pour une confĂ©rence Ted et c’est de lĂ  que vient « Jacque + Jacque = Jacques ». Dans cette vidĂ©o je parle des diffĂ©rents niveaux de conscience, et donc des diffĂ©rents niveaux de rebellion : quand on nait, c’est le stade 0, celui de l’imitation. On imite les autres pour apprendre l’alphabet, on imite les gestes de ses parents, de ses amis. Tu as un deuxiĂšme Ă©tat de rĂ©volte oĂč tu te rends compte que le monde peut ĂȘtre diffĂ©rent, et un troisiĂšme qui ralie les deux, qui va te pousser Ă  avoir un boulot, un hobby. Le week-end j’ai mon hobby, et je travaille toute la semaine pour financer mon hobby. C’est un compromis, un Triangle des Bermudes dans lequel on est quasiment tous bloquĂ©s Ă  Paris : ton projet n’aboutit jamais, tu bosses pour des gens et tu ne sais pas oĂč va le fric… C’est donc pour ça que j’ai inventĂ© plusieurs « Jacques ». 

Tu as dĂ©jĂ  essayĂ© de l’expliquer dans d’autres langues au cours de tes voyages en Inde et au Mexique ? 

Jacques : En Inde j’ai eu une conversation gĂ©niale avec un sĂądhu. On a parlĂ© pendant trois heures. Il Ă©tait dans la montagne qu’on voit dans le clip de « Tout est magnifique ». Ce mec est Ă©norme. C’Ă©tait encore un peu le bordel dans ma tĂȘte, et lui il arrive il te dit « ça c’est ça, ça c’est ça… et tu composes avec ». Et c’est la base du troisiĂšme oeil : tu regardes cette pomme, il y a la pomme, d’oĂč elle vient, et tout l’esprit qu’il y a derriĂšre. Et il y a un moment oĂč tu n’as plus envie de savoir que c’est une pomme, il y a quelque chose que tu ne comprends pas. C’est ça le point de dĂ©part, admettre de ne pas comprendre, c’est pour cette raison que j’ai mis cette voix qui chante « il y a quelque chose que je ne comprends pas » en plein milieu du morceau « Tout est magnifique »

Tu penses vraiment que tout peut ĂȘtre magnifique ? MĂȘme une merde par exemple ? 

Jacques : Une merde peut ĂȘtre magnifique, ça dĂ©pend de la maniĂšre dont tu la regardes. C’est une question de point de vue. Le point de vue fait partie du sujet. C’est pour ça qu’avec ce titre je me dĂ©douane d’avance en quelque sorte, si les gens trouvent ce clip moche, et bien ils ne comprennent pas. Et tant pis. 

Un peu comme ta coupe de cheveux d’ailleurs : dans le communiquĂ© de presse il est Ă©crit que c’est un « jeu pour dĂ©fier la honte ». 

Jacques : Pareil. Mais il faut que tu regardes la vidĂ©o de ma premiĂšre confĂ©rence. J’avais un turban sur la tĂȘte, quand je l’ai enlevĂ© les gens ont buggĂ©. 

Tu ne bois plus et ne fumes plus depuis un an… 

Jacques : et trois mois. 

Pas trop dur ? 

Jacques : Tu sais avant de fumer et de boire je ne buvais pas et ne fumais pas… Pour arrĂȘter il suffit de ne plus se comparer aux autres. A partir du moment oĂč tu considĂšres que tu es diffĂ©rent, tout est accordĂ©. C’est une histoire de moyen et de but. Si ton but est d’arrĂȘter de fumer tu vas essayer de trouver des moyens d’y arriver. Mais ces moyens ne sont pas ton but, tu vois ? Si arrĂȘter de fumer devient ton moyen, lĂ  tu vas pouvoir le faire. Moi mon but Ă©tait de dĂ©velopper mes capacitĂ©s psychiques, c’est pourquoi j’ai arrĂȘtĂ© les pĂ©tards et l’alcool. La musique est un travail d’esprit, c’est une construction. Comme un chateau de cartes, et il est impossible de faire la teuf dans une piĂšce oĂč on fait un chateau de cartes…